Chambre n°6 ~ Christopher Voldrini & Sylvania Hiôu

Le chiot passa le portail en fer forgé noir qui menait au pensionnat en deux foulées puissantes. Son nouveau chez soit pour deux années entières. Mais pour l'instant, il se concentrait sur sa petite course. Histoire de ne pas s'emmêler les pinceaux, hein ? Le vent s'engouffrait doucement dans son pelage pendant qu'il traversait en haletant la surface qui le séparait d'un bâtiment où il devinait les dortoirs. Il entra par la porte toujours sous sa forme canine et regarda autour de lui. Le hall était grand mais il ne voyait pas bien les couleurs, avec ses yeux de chiots. Et puis de toute façon il fallait qu'il se rende au guichet pour avoir les clefs donc le chiot se transforma et...

...Je redeviens humain. Quand je passe d'une forme à une autre, ça me fait comme quand on éternue : c'est violent, rapide, peu contrôlé, mais ça ne fait pas mal. Au dehors, je ne sais pas à quoi ça ressemble, juste qu'on a pas trop le temps de comprendre que j'ai déjà changé de nature. Et puis, c'est pas comme si j'avais que ça à faire, d'interroger les gens sur le "comment c'était quand... ?". Je me dirige vers l'accueil où une vieille femme semble m'attendre. Petite, tallons hauts, chignon grisonnant et mine sévère, cette femme ressemble à une prof sous toutes ses coutures. Elle me regarde certainement depuis mon entrée et ne semble pas très heureuse. Je m'approche d'elle, un air innocent sur le visage.

- Vous êtes bien Christopher ? demande-t-elle avec un accent à couper au couteau.

Je hoche la tête vaguement, préférant observer autour de moi. Le style de l'endroit était clean, épuré, très classique, mais avec son propre charme. Les murs respiraient la magie et l'occulte, même les humains normaux ne semblaient plus vraiment normaux au milieu de tout ça.

- Vous pouvez m'expliquer pourquoi vous vous pointez sous forme de... chiot, et vous transformez devant des élèves humains ? continue-t-elle en parlant au mur.

Je tourne la tête vers elle. Mon visage n'a plus le sourire que j'ai d'habitude. Comme si j'avais eu l'intelligence de réfléchir avant de me transformer. Ça se voit que cette vieille mégère n'a jamais été dans le corps d'un animal, et n'a encore moins jamais fait qu'un avec lui. Impassible, je réponds d'une voix calme :

- J'utilise ma forme canine en permanence; aussi... Pourrais-je avoir mes clés ?

Une moue réprobatrice accueille ma courte réponse, mais elle ne dit rien, souffle un bon coup et prend un léger trousseau de clé non loin d'elle. Elle me le tend tout en m'adressant un regard glacial. Je la remercie d'un mouvement de tête et m'en vais sans aucune autre parole. Dès que je suis assez loin pour qu'elle ne m'entende, je soupire. Si les gens ici sont aussi coincés que cette dame là, et bien j'ai du soucis à me faire... Je regarde le trousseau de clés que la vieille peau m'a remise. Il n'y a qu'une unique clé, certainement celle de ma chambre... qui porte le numéro six. Je me dirige au hasard dans les couloirs, j'ai tout mon temps devant moi. Je croise peu de gens dans les sinueux couloirs qui mènent je ne sais où, je pense que c'est une heure où tout le monde est posé tranquillement à un endroit ou un autre...
En chemin, je m'arrête, poussé par une incontrôlable envie d'écouter de la musique. Je regarde derrière moi et ne trouve pas, aux premiers abords, ma valise. Pendant un instant, je me demande bien si je n'ai pas oublié de faire mes bagages... Je me gratte vaguement la tête avant de me souvenir que cette valise en question, qui contenait le tant important baladeur mp3, était dans l'une de mes zones de transport. Qu'est-ce qu'une zone de transport ? Simple. C'est l'une des variantes de mes zones qui peut transporter au moyen de lévitation, de télé-localisation et aussi d'invisibilité, n'importe quoi : humain, valise, et tout le toutim du matériel. Utile en ce cas... Je ferme donc les yeux et utilise ma capacité de télé-localisation pour situer la zone... Bingo, c'est ça !
Je me tourne, parcours quelques mètres avec un pas plutôt pressé, et tend la main sur le vide... Ou pas. Ma main passe par la porte de cette zone, j'en tire ma valise sans problème et la pose à terre... Mon regard traine un peu sur le côté et je m’aperçois que...

- Je suis arrivé.

En effet, une porte avec le numéro six est devant moi, attendant certainement que quelqu'un tire sa poignet et l'ouvre. Quel dommage, j'aurais voulu allumer mon mp3 et me passer quelques chansons avant de devoir m'ennuyer dans une chambre certainement trop petite pour un clébard hyperactif... Je soupire, à nouveau, et m'approche de la porte. J'ai la main sur la poignet, je compte l'ouvrir, mais la porte se dérobe sous mes doigts. Je fronce les sourcils en découvrant qu'une jeune fille de... je ne sais quel âge exactement, seize ans environ en apparence, vient d'ouvrir la porte et se retrouve face à moi. De suite, c'est la pluie des excuses...

- Oooups ! s'exclame-t-elle. Pardon je suis désolée de ne pas t'avoir vu. Qui es-tu ?

Je souris. Comment voulait-elle me voir à travers une porte, au juste ? Moi j'aurais pu, mais elle... Pas si sûr. Néanmoins, je me contente de répondre à sa question en enrichissant un peu ma phrase...

- C'est pas grave, de toute façon j'aurais peut-être du frapper avant de vouloir entrer... Qui je suis ?

Mon sourire s'élargit et je décline mon identité :

- Mon nom est Christopher Voldrini. Et toi ?

Je jetais un rapide coup d’œil par dessus l'épaule de la jeune fille (si ça s'applique à elle, parce qu'avec tout ces anges, démons et le tralala des quasi-immortels, je ne savais pas vraiment si cette fille était d'un, humaine, et donc son âge exact...) et je découvre une chambre composée de deux lits. C'est tout ce que je vois, une portion de la porte me bloquant la vue. Je rajoute, un peu comme une simple déclaration que comme une question :

- Je pense que nous sommes colocataires, non ?

Je repose mon regard sur mon interlocutrice, que je détaille alors rapidement. Plus petite que moi, apparemment plus jeune, silhouette fine, yeux bleus, longs cheveux roses bonbons (bon ils ont des reflets roses, c'est pas d'ma faute hein...). Assez normale, hum... je pense. Je ne peux pas vraiment parler, avec mes tatouages et mes vêtements parfois très excentriques. Je ne fais donc pas plus de commentaires, attendant qu'elle continue la conversation en bonne diplomate... et en espérant que, malgré son air assez angélique, ce ne soit pas une casse-bonbon camouflée.

Elle m'avait touché le bras... en prétendant un réflexe. Hum... C'était vraiment louche, honnêtement. Je n'osais pas vraiment la soupçonner de quelque chose à cause d'un simple contacte, surtout avec les nombreux sourires qu'elle faisait sans cesse... Mais il fallait franchement avouer que son soit disant "réflexe" faisait louche dans son comportement. Bon après, j'étais paranoïaque, méfiant en permanence, et il suffisait d'un rien pour que je soupçonne une personne d'être un terroriste donc... Je ne laissais néanmoins paraître ma méfiance qu'une fraction de seconde avant de sourire.
Elle n'est pas allergique aux poils de chien, bien, mais ne semble pas avoir compris mes intentions lorsque je lui avais posé la question... Pas grave. J'abandonnais donc l'idée de lui faire savoir ça, et aussi celle de savoir sa race. Elle s'ouvrirait au moment voulu, pas besoin de le savoir dès le début. De toute façon, avec moi, elle le saurait bien assez vite, je ne compte pas me priver de ma forme secondaire rien que pour le plaisir de garder un secret... qui n'en était même pas un, qui plus est.
Elle me désigne mon lit d'un mouvement de main avant de se mettre sur le sien. Pendant que je range mes quelques affaires contenues dans ma valise, je la sens qui m'observe. Une fois tout rangé, elle se lève et se dirige vers moi. Je me crispe légèrement et me rend compte que ma méfiance est bien plus forte que ce que je pensais. A croire que je ne la sens pas, cette fille, même si dans le fond elle ne peut être que sympathique. J'espère...

- La chambre te plaît, je l'ai rangée ce matin, déclare-t-elle.

Je me retourne vers elle, hoche la tête en guise d'acquiescement et lui souris. Et à ce moment là elle pose sa main sur mon dos et me le frotte amicalement. J'avoue que j'apprécie peu les contacts amicaux avec des personnes que je ne connais pas, mais comme on a dit vaguement qu'on était ami... Je ne dis rien, en simple, me contentant de sourire. Elle rit, enlève sa main de mon dos *alléluia* et me pose un baiser sur la joue. Je ris à mon tour, plus gêné qu'autre chose.

- Au fait... Bienvenue à Mystique Pensionnat Christopher !!!! lance-t-elle juste après.

Je lui souris à nouveau.

- Merci... Mais appelle-moi Chris, c'est plus simple et en plus, monosyllabique...

Je me racle la gorge un instant avant de m'assoir sur mon lit. Je regarde à travers la fenêtre, qui donne sur je ne sais quelle partie du pensionnat. Je réfléchit à quelque chose, puis à une autre, puis encore à pleins d'autres choses jusqu'à ce que ça m'amène à me demander où en était la lune... Enfin, ses phases, si elle était ascendante ou descendante, et cetera... Une chose importante pour les loups-garous, histoire de pas se transformer quand on y est pas préparé hein... Je sors mon portable de ma poche et regarde rapidement mon calendrier. Je compte rapidement les jours qu'il me reste avant ma prochaine transformation obligatoire et...

- Au fait, je commence à dire, si dans quinze jours, à la pleine lune, tu retrouves une immonde bête à poils dans le lit de ton coloc' ne panique surtout pas, ne fait pas de gestes brusques et ne crie surtout pas. J'aimerais pas me réveiller dans une marre de sang le lendemain, se serait franchement horrible.

Je relève la tête et observe lentement sa réaction tout en continuant.

- Aussi, j'espère que tu ne prends pas de somnifères car j'aimerais que tu puisses te réveiller facilement au moindre problème, pas pour moi mais plus pour toi.

Je ne souris pas cette fois. C'est des techniques de préventions rudimentaires, je ne veux blesser personnes. Et puis même si je sors lors de ces nuits, rien n’exclus que je perde le contrôle et revienne manger dans les dortoirs... Même si je déteste le goût de la chair non animale. Les humains ou les autres races... Berk !

- Une question à poser ? Quelque chose à rajouter ?

J'attends sa réponse, toujours aussi sérieux. J'ai plombé l'ambiance amicale d'un seul coup, en installant une qui, il me semble est plus lourde... J'attends de voir ses réactions, calmement, et attends aussi ses réponses...