Les gâteaux de Sassy étaient les meilleurs !
C'était la seule constatation positive qu'Edwin pouvait faire en sortant du taxi qui l'amenait à son nouveau lieu de résidence. Il haïssait déjà l'endroit et il n'y avait même pas encore mis les pieds. Mais pour une fois, ça n'avait absolument rien à voir avec son besoin compulsif de se cacher des autres, il n'allait pas devoir avoir honte de sa nature, et même pas à en être fier : juste être un étudiant normal, car être un loup-garou était normal.
Non, le point négatif principal se constituait d'un seul mot : chaleur. Dès que ça dépassait les dix degrés, il avait envie de s'en aller dans son frigo pour ne plus en sortir. Lui qui venait d'un pays où la pluie était le climat normal... Et où trois jours consécutifs sans étaient synonyme de 'sécheresse'. Ce devrait être d'ailleurs l'un des seuls pays avec cet état d'esprit... Mais la pluie c'était l'une des richesses nationales, à ce stade ! Du moins pour lui. Et il avait l'impression qu'ici, ce ne serait pas pareil...
Autre point négatif : le décor dans lequel il était plongé. Habitué aux paysages verts, à la nature et à avoir de l'espace... Il avait l'impression que l'immense bâtiment énorme et gris qui se dressait devant lui, tenait plus de la prison que de l'école. Avait-il tord ? Le temps le lui dirait, mais de toute façon il n'aimait pas le paysage.
Il haussa les épaules. Ça ne pouvait pas être pire qu'il n'y paraissait, n'est-ce pas ? Alors il fit ce qu'il avait à faire : à savoir avancer tranquillement de son pas étrange. Car ce garçon à la chevelure bleue, avait une façon bien à lui de marcher. Ses pieds semblaient aller l'un devant l'autre, pourtant il ne lui arrivait que rarement de marcher droit et il finissait toujours par dévier ou à gauche ou à droite. Et il était d'une lenteur record, pourtant ses pieds semblaient effleurer le sol avant que la pointe ne la touche plus franchement et lui permette une petite poussée afin de balancer gracieusement son autre jambe. Le tout donnait quelque chose d'incertain mais pourtant gracieux, comme un pas de danse élaboré. Mais il ne le faisait pas exprès, ça faisait juste partie de lui.
Dès qu'il entra dans la bâtisse, il fit une grimace. Son nez sensible de loup, repérait des centaines d'odeurs différentes -et à la fois, s'il vous plait !-. Il n'était pas habitué à être avec autant de gens... D'ailleurs, il n'était pas certain que le nombre de gens de son village ait au moins la moitié de l'importance de cette agglomération estudiantine. Il ne pouvait reconnaître aucune de ces odeurs, elles arrivaient bien trop vite et étaient trop variés. Le seul effet que ça avait, était de le mettre de mauvaise humeur, lui agacer le nez et lui donner un bon vieux mal de tête. Encore un point négatif !
Irrité, il reprit sa marche, jusqu'au secrétariat, afin de faire valoir sa présence. Il avait toujours ses valises (bleue marine, bien sûr) en main mais avait cette fois retiré ses écouteurs afin de pouvoir prêter une oreille semi-attentive aux gens qui lui donneraient les instructions pour le reste de l'année. Il dût signer quelques documents, remplir certains papiers et il put enfin rejoindre sa chambre.
Comment il parvint à la rejoindre ? Ceci restera un mystère pour le reste de sa scolarité, il n'était d'ailleurs même pas sûr qu'il parviendrait à réitérer cet exploit. Peut-être le stress du nouvel endroit, la tristesse de ne plus être avec personne de connus. Et l'envie impérieuse de piquer un somme avait un effet positif sur son orientation.
« Chambre 22 »... Heureusement, qu'il aimait le chiffre deux ! C'était de bonne augure ! Il était quelqu'un qui croyait aux signes, il était même un peu superstitieux, il ne l'avouerait cependant à personne. De toute façon, cet état de fait devait sûrement venir de sa douce Sassy, et toutes ses histoires : « N'oublie pas de ne pas retourner tes chaussures, ça porte malheur ! » « Non ne passe pas sous l'échelle ! » « Fait attention, ne renverse pas de sel ! », ce genre de phrases avait bercé son enfance et on pouvait supposé que c'était normal que ça laisse des traces. Il demanderait à son frère et sa sœur si, eux aussi, croyait au mauvais œil. De toute façon, si toutes ces histoires existaient, elles devaient bien prendre leur source quelque part, n'est-ce pas ?
Quand il entra dans la salle, il fut surpris par l'espace qui était mis à sa disposition... Et aux deux lits. Apparemment, il aurait droit à un colocataire. Pas que cet état de fait le dérange. Ce serait un bon moyen pour commencer à une sociabilisation digne de ce nom ! Il parcourut la pièce des yeux. Le sol était de couleur grise, et les murs blancs. Il eut une grimace. Ça manquait franchement de couleur, mais il n'allait pas décorer tant qu'il ne savait pas qui était son coloc'. Il aimait la diplomatie et la négociation, et ne voulait pas heurter les sentiments de la personne qui partagerait sa chambre une année entière, en faisant quelque chose qui le rendrait dingue. Il jeta ses deux grosses valises sur le lit, prêt à les vider. Plus vite ce serait fait, mieux il se porterait. Il avait choisi le lit qui était le plus proche de la fenêtre, il était le premier et il avait besoin de respirer l'air du dehors. Il prit l'armoire la plus proche de son lit et la remplit de ses vêtements, elle était même assez grande pour qu'il puisse y mettre ses affaires de dessin. Il mit son chevalet et son violon sous son lit. Et un cadre photo sur sa commode.
La photo représentait sa meute entière, sauf lui qui était derrière l'objectif. Esmond et Marc était à l'extrême gauche, leur air froid et fier peint sur leur visage. Edwin eut un sourire tendre en les voyant. Ces deux-là avaient toujours l'air de chercher la bagarre, et de haïr tout le monde mais il n'y avait personne de plus tolérant et aimant qu'eux. Charlotte en train de faire un câlin à Malika tout à droite. Et ses parents et son frère au milieu qui souriait à l'objectif. Il était partit depuis seulement quelques heures et ils lui manquaient déjà !
Malgré la grandeur de la chambre, elle laisserai peu d'intimité à ses occupants, aussi, il espérait que ce ne serait pas trop dur pour lui. Il alla ranger son bureau, mettant ses affaires dessus. Quand il eut enfin finit de tout ranger, il regarda avec satisfaction ses valises vides puis les enfonça sous son lit avant de se jeter, lui-même sur son lit dans un soupir d'aise. Il allait peut-être -et je dis bien peut-être- enfin pouvoir se reposer un peu...
*Qu'est-ce que je voudrais que Sassy soit là pour m'apporter un de ses plats...* pensa-t-il.